Différentes manières de pratiquer le texte libre

Comment pratiquer le texte libre ? Quels liens avec la méthode naturelle de lecture-écriture ? Lors d’un atelier du 11 février 2023 à Saint-Girons, nous avons passé en revue nos manières de pratiquer le texte libre. Quelle fréquence ? Quels supports ? Quelles ressources pour les élèves ? Quelles suites données aux textes ? Quelle correction orthographique, grammaticale, stylistique, et comment ?

Un exemple en cycle 3

Les élèves ont deux séances de production d’écrits par semaine. A chaque séance, tous les élèves n’en sont pas à la même étape (certains composent, d’autres recopient, d’autres illustrent), ce qui fait que l’enseignante n’a pas à corriger 24 textes à la fois !

Première étape, le premier jet : Les élèves écrivent d’abord dans le cahier de brouillon ; ceux qui n’ont pas d’idées peuvent partir de déclencheurs (« jogging d’écriture » : par exemple thème, mots imposés, incipit, genre imposé…).
Deuxième étape, la correction : L’enseignant·e corrige et reporte les mots mal orthographiés dans une liste personnalisée d’orthographe (« orthofiche » imaginée par M. Barrios).

Troisième étape, la copie : chacun·e recopie son texte au propre sur son cahier d’écrivain·e et l’illustre.
Quatrième étape, la séance de « choix de textes » : Chacun·e lit son texte devant la classe – à condition d’être volontaire et de s’inscrire- puis on vote pour le texte qu’on va améliorer collectivement. On note qu’il y a des « modes » ou une sorte d’émulation qui émergent de ces séances : les textes les plus appréciés seront souvent copiés, imités, soit dans leurs procédés littéraires (contrainte d’écriture, récit à la première personne, figures langagières), soit dans le genre de texte (récits comiques, récits d’horreurs, dialogues, BD, poésie, feuilleton à épisodes…), soit dans les thèmes abordés (attaque de zombies, émotions liées à une saison, récit de bagarre, aventures qui arrivent à un animal…). L’enseignant peut rebondir sur les textes en faisant appel à des textes littéraires patrimoniaux, à d’autres œuvres d’art (photo, peinture, cinéma, etc.).
Cinquième étape, la « mise au point de texte » ou « toilettage » : L’enseignant imprime ou projette le texte choisi (sans erreurs orthographiques). On travaille sur les connecteurs, les pronoms, l’évitement des répétitions, la concordance des temps, la compréhension du texte, trouver une meilleure fin, etc. (en général pas plus de deux objectifs à chaque fois). A la fin on obtient un nouveau texte, auquel chacun·e a participé. Pour chaque modification, l’auteur·e qui se tient au tableau donne son accord ou pas, afin de ne pas trahir son intention d’origine.

Sixième étape : le travail d’étude de la langue. Le texte amélioré collectivement est imprimé et sert de support pour l’étude de la langue (identification des verbes, transposition à un autre temps, reconnaissance des natures de mots ou fonctions des groupes de mots, propositions, etc.).

Septième étape : la publication. Les textes vont dans le journal de la classe, le journal de l’école, dans un recueil, servent à faire des mini-livres, sont envoyés aux correspondants, etc.

Un exemple en CE2

Après l’écriture du texte dans le cahier d’écrivain, l’élève reçoit une fiche où iel écrit ce qu’iel veut en faire (on entoure : faire une affiche, apprendre par cœur, l’envoyer à quelqu’un, ou le lire à la classe).
L’enseignante corrige le texte, le retape à l’ordinateur. Il est ensuite collé dans le cahier d’écrivain à la suite du premier jet, puis recopié par l’enfant. Il y a donc trois versions du même texte dans le cahier d’écrivain.
Les mots mal orthographiés sont reportés sur l’orthofiche. Celui-ci sert de support à un entraînement tous les matins, puis à une dictée coopérative le vendredi.
Les textes des élèves sont utilisés non pour la grammaire mais pour la lecture.

Un autre exemple en CE2

L’élève peut plier sa feuille si iel ne veut pas qu’il soit corrigé. Car on peut vouloir écrire pour soi…
L’enseignante se contente de souligner les fautes, sans les corriger elle-même. Les élèves doivent aller chercher eux-mêmes les ressources dans des outils à disposition, par exemple le répertoire des « 5000 mots » publié par l’ICEM.


Un exemple en classe multi-niveaux

L’enseignante ne corrige pas toutes les erreurs du texte mais seulement quelques unes (exemple : 1 faute lexicale ; 2 fautes d’accords ; 1 faute d’homophone) pour que les élèves s’approprient les outils. En effet, ils ont à leur disposition dictionnaire, Bescherelle, etc. et peuvent se faire aider par des élèves « référents » en orthographe/grammaire.
La destination des textes est diverse : cahier d’écrivain, exposition dans le couloir, bulletin municipal de la ville…

Un exemple en CP

Les élèves écrivent sur les temps de plan de travail : ils commencent par faire un dessin, quand ils ont une idée ; ils viennent ensuite voir l’enseignante et on écrit ensemble (dictée à l’adulte) puis peu à peu ils écrivent seuls (aide d’affiches de mots écrits, imagiers). L’enseignante donne l’écriture de mots qu’ils ne connaissent pas.
On peut s’inscrire pour lire à la classe sur les temps de présentation.
On peut choisir la publication dans le journal de la classe. Ou recopier à l’ordinateur et on affiche. L’ordinateur permet le passage de l’écriture en cursive du brouillon à l’écriture script de l’écran, ainsi que passage de la capitale sur les touches du clavier à la script sur l’écran.

Un exemple en CE2-CM1-CM2

Il y a un temps d’écriture quotidien : en silence, tout le monde est en train d’écrire, illustrer, recopier…
L’enseignante essaie d’individualiser au maximum notamment pour l’orthographe. Par exemple, elle réécrit parfois entièrement le texte, en changeant même les tournures, de façon à ce que l’élève s’enrichissent et prenne modèle.
Elle code les erreurs pour que l’élève se corrige seul·e : faute d’accord, erreur lexicale, majuscule…
Il y a un importance du propos et de la destination du texte. Certains élèves présentent à la classe l’illustration de leur texte. Et c’est souvent très intéressant de voir quel est le point de vue adopté dans l’image, quel moment du récit a été choisi, etc.
L’enseignante demande à l’élève : ce texte, qu’est-ce que tu veux en faire ? Les autres peuvent faire des suggestions. Il y a ainsi un aller-retour individu-groupe. Parfois il y a des attentes des lecteurs sur une suite, avec des propositions du groupe.
Le travail sur le premier jet est important, car il y a toujours besoin de revenir sur un texte pour aller vers un texte fini et cohérent, les élèves doivent comprendre que même les grands écrivains retravaillent leur texte. Le premier jet n’est pas suffisant.

Un exemple au lycée

Il y a une séance d’écriture une fois par semaine, alternant avec une séance d’amélioration collective d’un ou deux textes.
Pour chaque texte, il y a une relecture par un·e camarade qui remplit la petite fiche suivante :
Ce texte m’a intéressé.e parce que…
Je retiens particulièrement…
Pour moi, l’intention de ce texte est de…

Quelques points d’attention

Revenir sur son texte, c’est difficile ! Il est coûteux de faire revenir les élèves sur le texte. D’où l’intérêt de recopier le texte soi-même, au besoin en modifiant des tournures, afin que l’enfant n’ait plus qu’à recopier un texte « fini » sur son cahier au propre. En CP notamment, il est intéressant de réécrire soi-même le texte pour ne pas surcharger le texte de l’enfant avec des corrections.

L’orthographe n’est pas tout ! Il peut être contreproductif d’encombrer les moments d’écriture avec des considérations orthographiques, qui peuvent couper l’élan des enfants. Le moment doit rester avant tout créatif.

Comment créer le désir d’écriture ? Le moment de la présentation du texte au groupe est crucial. La lecture à haute voix permet de donner le goût du beau texte, il inspire les autres élèves. L’utilisation d’une monnaie de classe peut également servir, soit que l’on paye tous les textes au même « prix » soit que l’on paye ceux-ci à la ligne, incitant ainsi les élèves à allonger leurs textes.

Comment présenter les dessins ? Le cahier d’écrivain est un grand cahier et le dessin est de la même taille que le texte. Par exemple si le texte ne fait qu’une demie page, on coupe la partie dessin en deux ; il y aura ainsi un dessin en face de chaque texte, sans gâchis de papier.

Comment gérer l’affluence pour les ordinateurs ? Sachant que nous avons rarement, voire jamais, un ordinateur par élève… On peut afficher un planning, où chaque élève a un temps dédié. Ou bien un cahier d’inscription.