Ecrire ensemble : la méthode de Paul Le Bohec

Au Congrès de Nanterre, Katy a vécu un atelier sur l’écriture collaborative en méthode naturelle. Elle nous a proposé de nous faire revivre ce moment d’écriture et nous l’avons adapté…Cette méthode se base sur l’article de Paul Le Bohec (1983), « Ah ! vous écrivez ensemble ! » (Documents de l’éducateur 172-173-174). Elle ressemble à l’écriture automatique, fait aussi penser au cadavre exquis… Elle constitue une bonne alternative ou un bon début pour les élèves bloqués par l’angoisse de la page blanche.

Sur une demie feuille A4, chacun·e écrit un mot et passe la feuille à son voisin·e qui à son tour écrit un mot (NB : à la différence du cadavre exquis, on voit ce que le précédent a écrit). On peut laisser le choix des mots complètement libre ou bien partir sur une thématique précise. Quand la feuille a fait deux tours du groupe (pour 8 écrivain·es environ), on s’arrête. Chacun·e lit dans sa tête le papier qu’iel a entre les mains et prépare une lecture oralisée. Chacun·e lit à haute voix son papier.

Ensuite, on peut imaginer soit de caviarder le texte (c’est-à-dire d’enlever des mots, ce qui peut être mal perçu par certain·es élèves) soit d’ajouter des mots… soit avec une consigne (aller vers le récit, aller vers la poésie, etc.) soit de manière libre. Nous avons choisi la deuxième solution (ajout de mots), et de façon libre.

A partir de la liste initiale de mots, chacun·e a donc écrit des mots dans les interstices restants entre chaque couple de mots… On peut également choisir d’établir seul ou collectivement une liste de mots avec un champ lexical donné, ou bien des sonorités communes (rimes, assonances). On pense aussi aux différentes manières de faire des cadavres exquis (récit dont on laisse dépasser un morceau après avoir plié son papier, ou bien constituants de la phrase ajouté les uns après les autres), ainsi qu’au « carnet de mots » de Maryse Brumont (carte mentale, liste de mots dans différents domaines de savoir…).

Voici le résultat de nos expérimentations collectives en ce 30 août 2023 :

Texte 1

La priorité du travail de GD est d’expérimenter ensemble, sous un beau soleil, avec des guignols amicaux, des saltimbanques révolutionnaires et des sous-fifres mal payés. Tout ceci naturellement sans déconner, enfin je ne sais plus. Leur épaisse connerie me berce.

Texte 2

Quoi ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? Tu es comme merveilles et démons ! Viens, joins-toi au festival et amuse-toi tel un cheval fou. Crazy Horse vaincra ! Ça alors ! Comme c’est étrange, de sentir le vent sur nos corps ! Ce silence.

Texte 3

Ô grand pilier ! Il t’est interdit de ployer, de noyer, et ne t’avise pas de scier la branche de l’arbre où je me trouve. Déforester, couper le bois de chauffe, sans jamais éteindre les petits papiers. Pourquoi solidifier ce pilier ? Plastifier pour conserver, Assujettir pour ordonner, Trier pour clarifier et ranger – libérer.

Texte 4

Il était une fois, au bout du chemin, une mignonne framboise qui se disait : « Si la rose de demain éclôt, allons voir si elles tombent puisqu’il fera beau. Demain c’est le jour des pommes et des poires trop mûres qui s’écrasent au solen silence. »

Texte 5

Le jardin de mon école est automnal quand il est bleu. Bien qu’embrumé, le lac majestueux et chatouillant de Chateaubriand n’appelle en moi que des idées nostalgiques. Je me sens devenir une infinitude, un ruban de Moebius, un objet à une dimension, une plénitude, une pléïade. Comment combler un ennui qui s’abat comme un couvercle sur l’immensité, je ne vois que l’horizon et rien d’autre. Mandragore et griffons. Romantisme échevelé à la Mary Shelley.

Texte 6

En échappant à l’ennui profond que suscite l’école, nous jouons souvent ensemble. Sirop d’Erable, pour adoucir l’amertume du quotidien, décida encore de faire l’école buissonnière, et caetera et caetera. Où est rangé le vade mecum de la directrice ? Retro -grade !Satanas diableries pitreries chienlit.

Texte 7

La putréfaction incessante de toute cette charogne m’enivre. J’adore sentir ton odeur de viande, digérée par ces hordes d’escherichia coli et d’asticots, qui tentent désespérément de bien manger, alors que moi je tente de bien digérer. Méthaniser point trop ne faut, les écolos c’est bien joli. Serait-ce la fin ? Le ver est dans le fruit, mais il est malade : prout ! De l’air !

Texte 8

Lors d’un atelier, par une belle après-midi, grognons-ronchons, ne pouvons-nous montrer, ni mener une vie de patachon !« – Où allez-vous, Mesdames et Messieurs ? – Tout doucement, nous nous dirigeons vers la révolution. Ça alors ! Il n’y a rien ! Zut, alors ! Nous n’avons plus qu’à écrire sur le vent alors ! Ceci paraît excessivement problématique au vu du contexte plutôt ni oui ni non, non mais pouet pouet ouin ouin !Attention ! On ne peut plus… rien ajouter.